lundi 17 octobre 2011

Le modèle chinois, alternative à la démocratie ?

J’ai présenté récemment sur ce blog plusieurs articles qui montrent comment les pays occidentaux et la Chine réagissent de façon différente aux turbulences qui agitent le monde. Ces articles ont nourri ma réflexion sur la démocratie. Je vous propose de la partager dans le billet qui suit.

                                             François Descheemaekere 

1 - Les démocraties occidentales sont profondément déstabilisées.
Elles le sont par une  crise économique sans précédent depuis celle de 1929.
Elles doivent composer avec des sociétés de plus en plus déstructurées et frustrées par un chômage de masse, une croissance ralentie, une dette publique et privée qui menace la survie même du système financier et économique, la montée des nationalismes et des populismes, l’effritement de l’Etat-Providence et la désintégration de l’ascenseur social (réforme des retraites, érosion des systèmes de santé, difficultés des systèmes éducatifs…).
Elles le sont également par une crise morale profonde qui touche l’ensemble des sociétés occidentales, tant au niveau des gouvernements qu’à celui des citoyens. Ainsi, l’Amérique est en proie à un doute profond sur elle-même et sur son leadership dans le monde, et les européens n’ont plus l’air de croire au projet qui avait porté la construction européenne depuis sa création au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et qui semble avoir déraillé depuis le début des années 2000. L’élargissement du nombre de ses états membres de 12 à 27 en moins d’une décennie et qui semble devoir se poursuivre comme une fuite en avant sans que personne ne sache jusqu’où, paraît avoir épuisé son élan vital, comme si l’Union européenne n’avait plus l’énergie nécessaire pour réformer son fonctionnement ni  pour entraîner l’adhésion de ses citoyens en leur proposant un projet clair et enthousiasmant.
La complexité du système  décisionnel européen et la multiplicité des centres de décision qui souvent se neutralisent entre eux, le repli des gouvernements sur des intérêts nationaux souvent divergents, l’absence d’un véritable objectif commun suffisamment consensuel et fédérateur, l’insuffisante légitimité des institutions européennes, semblent rendre l’Europe incapable de répondre vite et efficacement à l’urgence des situations, et ce sentiment d’ impuissance se propage au sein des opinions publiques de tous les états membres.
Les effets de la crise économique et morale dans les pays de la zone euro et aux Etats-Unis attisent le développement d’un mouvement international de protestation sociale (les « Indignés » dans les pays européens et  « Occupy Wall Street » en Amérique du Nord) qu'on aurait tort de considérer comme une simple éruption de contestation passagère, et qui est en train de prendre une ampleur et une portée certainement jamais vues depuis les années 1960-1970.

2 - Dans le même temps et sur la même planète ( !), la République populaire de Chine est en bonne voie pour devenir la première puissance économique mondiale. Sa dynamique économique  (croissance supérieure à 10 % par an depuis des années) est conjuguée à une efficacité politique redoutable (dirigée depuis plus de soixante ans par un parti unique, le Parti Communiste Chinois, tenant du centralisme démocratique et réfractaire aux Droits de l’Homme, elle est donc libre de toute exigence démocratique).  Elle a un objectif précis et une ambition partagée par l’ensemble des Chinois, et elle suit sans dévier une stratégie de développement économique et social à long terme qui est déclinée à tous les niveaux de la société. Sa capacité de réaction aux tensions internes qui naissent de l’accroissement des disparités internes et aux évènements mondiaux qui se succèdent, est à la fois rapide et efficace, même si elle est souvent brutale (mais, comme disait Deng Xiao Ping, "Peu importe la couleur d'un chat, ce qui compte, c'est qu'il attrape les souris.").
Ainsi, la Chine est-elle en train d’émerger aux yeux du monde non seulement comme la future première puissance économique, mais encore comme un modèle alternatif à la démocratie. Et ce modèle jouit d’une crédibilité incontestable compte tenu de ses succès économiques. Il sera aussi de plus en plus attractif, tant pour les pays en voie de développement que pour une partie, encore faible mais croissante, de certaines élites intellectuelles et des opinions publiques des pays occidentaux.

3 – Contrairement à ce que nous avons trop longtemps pensé, la démocratie n’est pas un acquis irréversible pour les pays occidentaux. Les crises, qu’elles soient économiques ou morales, la fragilisent gravement.
La démocratie n’est pas non plus le pendant naturel obligatoire du libéralisme économique.
Pas plus qu’elle n’est le système vers lequel tendraient tous les pays, l’étape ultime du progrès et l’aboutissement final de l’évolution de toute civilisation.

Il devient urgent pour les dirigeants européens de
revitaliser le modèle démocratique en régénérant sa force d’entraînement, de cohésion et de progrès. Faute de quoi, c’est le modèle chinois, avec son mélange subtil et attirant (mais inquiétant) de libéralisme économique et d’autoritarisme politique, et qui paraît si efficace dans un monde de plus en plus chaotique, qui finira par s’imposer.

                                                          François Descheemaekere

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