lundi 12 décembre 2011

Accord européen : « accord impressionnant » ou « montagne ayant accouché d’une souris » ?

Infographie : François Descheemaekere
Je manque encore du recul nécessaire pour me faire une opinion fondée sur l’accord conclu à Bruxelles vendredi dernier. Si j’en juge aux commentaires publiés dans la presse, cet accord est loin de faire l’unanimité. D’ailleurs, l’agence de notation Moody’s a publié ce matin un communiqué dans lequel elle fait savoir qu'elle réexaminerait les notes des pays de l'Union européenne au premier trimestre 2012, le sommet de la semaine passée n'ayant pas produit à son sens de résultat décisif et laissant la zone euro exposée à de nouveaux chocs.

Pour certains, la montagne a accouché d’une souris et la plupart des décisions qui ont été adoptées ne sont qu’une
reformulation un peu plus contraignante de mesures qui existaient déjà. C’est notamment le cas pour la fameuse « règle d’or » et les sanctions à l’encontre des pays ne respectant pas les critères de déficit et d’endettement, le traité de Maastricht, adopté il y a presque vingt ans, contenant déjà ces dispositions. Ces critiques reprochent à l’accord de Bruxelles de ne pas avoir proposé de réponse susceptible de rétablir la confiance des marchés financiers (la question du rôle de la Banque Centrale Européenne).

Pour d’autres, ce sommet est une avancée spectaculaire qui montre que les Etats membres, animés par le couple Allemagne-France, se sont unis sur un accord pour un nouveau traité de discipline budgétaire et fiscale, tout en amenant le Royaume-Uni à « se découvrir » en se mettant lui-même hors-jeu.
Le couple franco-allemand, s’est érigé comme un véritable « directoire » de l’Union européenne, seul capable de prendre les décisions rapides et efficaces en ces temps particulièrement difficiles, alors que le système communautaire (Commission-Parlement-Conseil) paralysé par sa complexité, sa lourdeur et sa lenteur, était de facto mis hors course.

Ma première remarque « à chaud », c’est que l’Europe était déjà incroyablement complexe à comprendre et à expliquer, et qu’avec ce nouvel accord,
sa complexité s’est considérablement accrue !  Il y a maintenant l’Union des 27, l’Eurozone des 17 pays de la monnaie unique, et l’Union des 26 (l’Union des 27 moins le Royaume-Uni) qui se sont engagés à adopter le nouveau traité de discipline budgétaire et fiscal. Les juristes vont avoir du pain sur la planche pour démêler l’écheveau de traités et de mesures qui s’appliquent aux uns mais pas aux autres… Quant à ceux qui comme moi sont engagés dans des actions de pédagogie sur les questions européennes, je leur (je nous…) souhaite bon courage !

Ma deuxième observation, c’est que
cet accord marque certainement un tournant dans le processus de construction européenne.
Concernant les acteurs, on voit bien que
ce sont les chefs d’Etat ou de gouvernement qui ont eu le rôle moteur essentiel, la Commission se trouvant reléguée à un rôle de greffier (par comparaison, qu’on se souvienne du rôle d’impulsion de la Commission présidée par Jacques Delors pour initier la création du marché unique de 1992 ou celle de l’euro !). Quant au Parlement européen, sensé représenté les citoyens de l’Union, il a été totalement absent de la scène et son silence a été assourdissant.
Depuis son entrée dans l’Union européenne,
le Royaume-Uni avait toujours eu une place à part, « un pied dedans et l’autre en dehors ». En décidant de ne pas participer au nouveau traité, il confirme son peu de motivation à s’engager plus avant dans l’intégration européenne, et confirme au contraire sa volonté de rester à l’écart, comme il l’avait déjà fait en restant à l’extérieur de l’euro et de l’espace Schengen. Certains pensent même que cette déclaration d’isolationnisme pourrait bien être le prélude à un retrait pur et simple de l’Union européenne…


J’espère que les marchés seront rassurés par cet accord, que les Etats sauront trouver les mesures de relance nécessaires pour compenser l’austérité engendrée par leurs politiques de rigueur budgétaire, et que la construction européenne se poursuivra, dans la fidélité à sa devise « Unis dans la diversité ».

                                     François Descheemaekere

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