vendredi 23 septembre 2011

Assumer un nouveau projet d'Europe élargie

Christian Lequesne, directeur du CERI, Sciences Po

Crise bancaire et financière, manque de compétitivité, difficulté à trouver un rôle international alors que les grands émergents s'imposent : la rengaine est toujours la même. L'Union européenne va mal, très mal. La faute est tantôt imputée à un couple franco-allemand qui ne s'aimerait plus autant qu'auparavant, à un élargissement qui aurait tué les institutions, à un manque cruel de dynamisme des acteurs économiques.

Comment prendre du recul pour comprendre ce qui va mal depuis plusieurs années, et qui n'a pas commencé avec la crise financière de 2009 ? Faut-il rappeler que les peuples français et néerlandais rejetèrent en 2005 le traité constitutionnel européen ?  Il est nécessaire de partir d'un premier constat : le projet de la petite Europe occidentale s'est éteint avec la fin de la guerre froide. Cette Europe, qui était encore un horizon plausible lorsque Jacques Delors lançait le marché intérieur en 1985, avait été pensée comme un modèle réduit en membres devant évoluer progressivement vers un fédéralisme institutionnel fortement impulsé par la France et l'Allemagne. Sa dernière chance de voir le jour fut, en 1994, la proposition dite Schäuble-Lamers par laquelle les chrétiens-démocrates allemands proposèrent aux Français d'évoluer avec leur pays récemment réunifié et quelques autres vers un fédéralisme nourri par le projet d'union économique et monétaire (UEM). A l'époque, le gouvernement français refusa. Ce fut la fin de l'idée de petite Europe conçue comme un noyau dur.
En France, les pro-Européens ne s'en sont en quelque sorte jamais remis. Au lieu de rebondir sur cet échec en trouvant un nouveau discours positif capable de mobiliser l'opinion, ils se sont mis à pleurnicher sur le triomphe de l'Europe britannique, à accuser l'élargissement de tous les maux, et à prêcher pour un impossible noyau dur dont rapidement les Allemands ne voulurent plus.
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