Moody vient de nous appuyer encore un peu plus sur la dette, et on se demande combien de temps la France va pouvoir se maintenir la tête hors de l’eau.
Ce qui est complètement fou avec les agences de notation, c’est la boucle de rétroaction positive qu’elles déclenchent lorsqu’elles annoncent qu’elles mettent un pays sous surveillance. Le thermomètre n'est évidemment pas la cause de la maladie, et les agences de notation ne sont évidemment pas la cause de notre endettement excessif, mais notre situation ressemble à celle d'un malade dont la fièvre augmenterait et la maladie empirerait à la seule lecture de sa température sur son thermomètre…
Démonstration :
1 – Une agence de notation (Moody’s en l’occurrence) annonce qu’elle met la France sous surveillance pendant 3 mois au terme desquels elle maintiendra ou retirera son AAA.
2 – De manière à rassurer les marchés et à démontrer aux agences de notation que convaincu des vertus de la rigueur, il s'engage résolument dans une politique de réduction de ses déficits, le gouvernement établit et annonce un second plan d’austérité.
3 – Les agents économiques et les économistes s’inquiètent de ce que les mesures de ce plan vont freiner une croissance déjà atone.
4 – Les économistes prévoient que sous l’effet de ces nouvelles mesures, la production nationale va ralentir davantage, et les prévisions de croissance sur lesquelles le gouvernement s’était basé pour son plan s’avèrent inatteignables. Plusieurs secteurs économiques, banques, automobile, nucléaire, commencent à annoncer de vastes projets de licenciement. Le nouveau plan de rigueur recule encore l'âge de départ à la retraite, mais les grandes entreprises encouragent leurs séniors au départ volontaire. Les instituts de conjoncture annoncent des prévisions de consommation des ménages à la baisse.
5 – Les marchés financiers réagissent : l’écart de taux (spread) auquel la France emprunte augmente encore d’avantage par rapport au taux auquel l’Allemagne emprunte (prime de risque) ; des investisseurs commencent à se débarrasser de leurs actifs en dette souveraine française. Les entreprises ont plus de mal à se financer à cause du resserrement du crédit disponible. Des économistes en vue annoncent que, de fait, la France a déjà perdu son AAA, et que d’ailleurs, elle emprunte déjà dans les conditions où elle emprunterait si elle ne l’avait plus.
6 – Une agence de notation (la même : Moody’s) avertit que les nouvelles conditions de taux dans lesquelles la France emprunte ne lui permettront plus d’atteindre ses objectifs budgétaires, compte tenu que ses prévisions de croissance étaient trop optimistes, et donc de faire face à ses déficits et à son endettement qui s’aggravent par le seul fait de l’augmentation de la charge de la dette ( = les intérêts de la dette) à rembourser ! Dans ces conditions, elle accentue sa menace sur la dégradation de sa note …
C. Q. F. D. ! C’est vraiment encore plus fort qu’une prophétie auto-réalisatrice, et on ne voit pas comment il est possible de se sortir d’un piège comme celui-ci. Un troisième plan de rigueur pour encore accentuer l’austérité ? Le gouvernement promet que non, mais on voit bien ce qui s’est passé chez nos voisins grecs ou italiens : toujours plus d’austérité, donc encore moins de croissance, etc. et la boucle est bouclée ! Il semble bien que quoi que l’on fasse, on soit bel et bien coincé dans la nasse !
François Descheemaekere
François Descheemaekere