Les Grecs n’apprécient pas beaucoup les mesures d'austérité imposées à leur pays en contrepartie d'une réduction partielle de sa dette, et on peut comprendre qu’ils aient la dent dure envers à ceux qui les ont décidées.
Ce qui doit attirer notre vigilance, c’est le fait que c’est presque autant la Chancelière allemande que leurs dirigeants nationaux qui a été l’objet de leur animosité. Lors des manifestations qui se sont succédées à Athènes, des manifestants n’ont pas hésité à comparer la « troïka » (Union Européenne, FMI et BCE) présente à Athènes au côté du gouvernement pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des mesures de rigueur, au « gauleiter », régime nazi qui occupait le pays durant la Seconde Guerre mondiale. Angela Merkel était d’ailleurs souvent personnellement visée. Un photomontage sur des pancartes de manifestants la montrait en uniforme d'officier SS, arborant un brassard avec croix gammée auréolée des étoiles du drapeau européen. Également, on a pu voir dans la presse hellénique des dessins satiriques reprenant la même thématique et le lycée de Kimolos dans les iles Cyclades a même édité un calendrier illustré de cartoons anti-allemands du caricaturiste Christos Zoidos. Le quotidien Eleftherotypia a publié au cours des derniers mois des dizaines de bandes dessinées anti-allemandes du caricaturiste Stathis Stavropoulos, dont l'une montrait le Ministre des Finances grec Evangelos Venizelos faisant le salut Nazi 'Sieg Heil' à un soldat allemand. Et des touristes allemands visitant des lieux historiques d’Athènes ont rapporté l’hostilité de certains habitants à leur égard.
On aurait peut-être tort de ne voir là que des outrances ou des faits anecdotiques.
L’éviction, commanditée et supervisée par l’Allemagne, de Papandréou, et son remplacement par un premier ministre, ancien vice-président de la BCE, a souvent été perçu par les Grecs comme une ingérence de Berlin dans les affaires intérieures de leur pays, (qu’on se souvienne des titres de presse pendant le sommet du G20 à Cannes : « Papandréou convoqué par Merkel et Sarkozy ») faisant resurgir une inimitié historique qu’on croyait éteinte et ravivant les souvenirs de l’occupation du pays par l'armée hitlérienne, il y a près de soixante-dix ans.
Alors que la pression monte de toutes parts sur Angela Merkel pour qu’elle accepte enfin que la Banque Centrale Européenne puisse émettre des euro-obligations, aux dires de nombreux experts seule solution susceptible de stopper la progression de la crise de la zone euro, la Chancelière, sourde aux critiques, s’obstine à réclamer depuis plusieurs semaines une modification des traités dans l'objectif de renforcer la discipline au sein de la zone euro. Un document de travail secret du gouvernement allemand, dont fait état le Daily Telegraph, précise d’ailleurs ses intentions, et l’on peut s’inquiéter de ses préconisations, de son attitude « donneuse de leçons », et de l’impact qu’ils pourraient avoir sur les opinions publiques des autres pays européens.
Les experts allemands sont de plus en plus présents et ont un rôle de premier plan dans de nombreux lieux de préparation de projets pour piloter l’évolution de la crise de la zone euro, au risque de froisser les partenaires européens.
Progressivement, l’Allemagne prend le leadership en Europe, que ce soit celui des idées ou des initiatives, au risque de s’isoler. Et ce d’autant plus son partenaire privilégié, la France, semble sidérée depuis que la menace sur son Triple A s’est faite plus forte et que le tandem magnifique « Merkozy » (= Merkel-Sarkozy) du G20 de Cannes a perdu en route son leader en second.
La construction européenne est née de la volonté de rendre impossible toute nouvelle guerre entre les pays européens, et singulièrement entre la France et l’Allemagne. Tout a été fait pendant les soixante-six dernières années pour favoriser et consolider les liens d’amitiés entre les peuples. Il ne faudrait pas que par une attitude de suffisance et de « parangon des vertus de rigueur et de travail », et par des préconisations privilégiant la technocratie à la démocratie, l’Allemagne suscite chez les ses partenaires européens la résurgence de sentiments antiallemands, et chez ses propres citoyens la montée de sentiments de supériorité et de défiance, voire d’irritation et d’arrogance vis-à-vis des autres européens.
Le quotidien économique allemand Handelsblatt titrait il y a deux jours "das einsame Land", le pays isolé… Marqués par l’histoire de leur pays, des dirigeants et des intellectuels allemands s’interrogent et dénient farouchement la tentation d’hégémonie que certains leur prêtent. Au Royaume-Uni et en France, le malaise grandit. D’autant qu’à y regarder de près, l’Allemagne n’est pas le modèle de rigueur qu’elle prétend être…
La construction européenne est née de la volonté de rendre impossible toute nouvelle guerre entre les pays européens, et singulièrement entre la France et l’Allemagne. Tout a été fait pendant les soixante-six dernières années pour favoriser et consolider les liens d’amitiés entre les peuples. Il ne faudrait pas que par une attitude de suffisance et de « parangon des vertus de rigueur et de travail », et par des préconisations privilégiant la technocratie à la démocratie, l’Allemagne suscite chez les ses partenaires européens la résurgence de sentiments antiallemands, et chez ses propres citoyens la montée de sentiments de supériorité et de défiance, voire d’irritation et d’arrogance vis-à-vis des autres européens.
Le quotidien économique allemand Handelsblatt titrait il y a deux jours "das einsame Land", le pays isolé… Marqués par l’histoire de leur pays, des dirigeants et des intellectuels allemands s’interrogent et dénient farouchement la tentation d’hégémonie que certains leur prêtent. Au Royaume-Uni et en France, le malaise grandit. D’autant qu’à y regarder de près, l’Allemagne n’est pas le modèle de rigueur qu’elle prétend être…
François Descheemaekere
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